Suis-moi, je te fuirai pas.

lundi 6 février 2012

We need to talk about Kevin

Eva (Tida Swinton) est un mélange entre Carrie (Sissy Spaseck), Wendy Torrance (Shelley Duvall dans Shnining de Kubrick) et le démon qu’on ne voit jamais dans Rosemary’s baby puisque c’est un démon.

Sauf qu'Eva est une femme ordinaire, qu'on pourrait croiser à la Poste ou dans un roman de Houellebecq.
Une mère improvisée, contrainte pour les yeux noirs de sa progéniture, de mettre de côté sa vie professionelle, sexuelle, amoureuse et sociale.
Comme toutes les mères.
Sauf que la progéniture est du genre malin (revoyez le sens de ce mot) et que cinéma indépendant anglais oblige, la réalisatrice Lynne Ramsay prend le parti de montrer, non pas une femme béate d'admiration devant un micro être plein de vomi-caca mais tellement chou mais une femme effondrée par l’arrivée de son fils, impuissante devant lui, incapable du moindre geste affectif, à la limite permanente de le la dépression nerveuse.

Donc Eva est mariée avec le toujours nounours John C.Reilly et une nuit sous acides-c’est du moins ce que suggère les couleurs rouges et floues de la nuit d’»amour»-c’est Kevin (Ezra Miller qui a réveillé la cougar en moi) qu’ils conçoivent.
Kevin grandit, on dirait un amérindien, un mini clone de Keanu Reeves et d’Edward Furlong.

Il est rebelle Kevin : il fait caca dans sa couche jusqu’à cinq ans, pleure plus fort qu’un marteau piqueur, désobéit à sa maman et fait mine d’adorer son papa pour rendre sa maman marteau.

Et plus Kevin se montre teigneux, plus la mère s’en éloigne et se mue en robot.
Quand machinalement Eva dit à son fils qu’elle l’aime, il répond «Na, na, na».
Il est surdoué Kévin, il n’est pas de «ces enfants qui croient vraiment ce que disent les grands". Il n'a pas écouté les chansons de Patrick Bruel Kevin.


Patrick Bruel mis à part, Eva en bave tant avec Kevin qu’elle fait un autre enfant, comme pour annuler le premier.
C’est une fille, elle est blonde, donc elle est gentille.
Et Kevin devient de plus en plus teigneux, jusqu’au drame.
Un drame tel que Kevin passera bientôt dans "Faites entrer l'accusé". Veinard.

We need to talk about Kevin est un film sur la légitimité d’être exaspéré(e) par l’arrivée d’un enfant mais aussi sur l’amour inconditionnel que ce dernier porte néanmoins à sa mère.

Lynne Ramsay ne juge pas, ne pointe pas Eva comme l’origine du mal.
J’ai regardé ce film avec une personne qui me disait tout le temps :

"-Normal que Kevin soit comme ça, sa mère ne l’aime pas.»

Et moi de répondre :
"-Non, c’est pas vrai, regarde comme elle jubile quand il se sert dans ses bras un soir dans son lit quand elle lui raconte une histoire : ellle attend des signes, c’est tout».

Tu sais ma mère, c’est une Eva et pourtant, je ne passerai jamais dans «Faites entrer l’accusé», faut dire que je n’ai pas besoin d’elle, j’ai tant d’amis sur facebook et tant de lecteurs sur mon blog."


Il n'est pas de criminel dans ce film, ni même de mauvaise mère.

Juste une femme et son fils qui, sans dire mot, se hurlent à s'en casser la voix le sempiternel «Aime-moi».







Disponible en DVD depuis le 1er février 2012

3 commentaires:

  1. Une cascade de références en accroches : tu veux être embauchée par les Inrocks?!

    Kevin le malin : "N'essaie pas de me berner, je sais que je suis une plaie pour toi. Et tu vas voir ce que tu vas voir."

    Quoiqu'un peu pollué par trop d'effets de style, un grand film. L'amoralisme marque bien plus que du Eastwood.

    (La scène de la soirée de Noël dans l'entreprise d'Eva, nauséeuse et tout droit sortie d'Extension du domaine de la lutte en effet.)

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  2. Merci ! grâce à toi, et un programme TV étrangement complémentaire, je viens d'enchaîner "en cloque mode d'emploi", "We need to talk about Kevin", "Tangy", et "un heureux événement"... c'est bon, je n'ai à nouveau plus envie d'avoir d'enfant aux dépends de la toute nouvelle petite nièce ultra mimi choupinoutte (et qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau) d'homme.

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  3. Bel enchaînement, tu as donc du rire, avoir peur, re-rire puis enfin rire et avoir peur. Pour te couper toute envie de bonheur, un film français par 24 heures. Merci de me lire.

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